« France, prends garde de perdre ton âme ». Gaston Fessard
Comme beaucoup d’entre vous, je me sens triste et angoissée par la situation politique de notre pays. La perspective d’un gouvernement Rassemblement National me terrifie. Je ne serai pas la première à en pâtir. Je ne suis pas au chômage, j’ai la peau blanche, je ne porte pas de signes religieux, je suis hétérosexuelle. Mais mon coeur se serre et je tremble pour mes frères et soeurs LGBTQI, racisés, handicapés, marginaux, précaires, musulmans, juifs… Oui j’ai peur aussi évidemment pour les Juifs. Car malgré l’enfumage actuel, l’histoire montre bien de quel côté de l’échiquier politique a eu lieu la Shoah.
Je repense aux cours d’histoire sur la 2em Guerre Mondiale que j’ai suivis à l’université. Je m’étais passionnée pour le cours d’historiographie – c’est l’histoire de l’histoire, une analyse de comment s’écrit, se pense le passé. Notre professeur d’historiographie, de confession juive, nous a lu des extraits d’un livre interdit, qu’il avait acheté sous le manteau: Mein Kampf. Pour lui c’était vital de regarder les choses en face, de rentrer dans ce texte lui-même, malgré le profond dégoût qu’il inspire. Hitler y décrit en détails sa volonté d’extermination du peuple juif. Le livre est sorti en 1925. Or quand les pleins pouvoirs ont été attribués à Pétain en 1940, certains français réussissaient encore à se faire croire qu’Hitler n’était pas si dangereux, que l’armistice était un moindre mal…
Comment est-ce possible? C’est une question qui m’obsédait. Comment Hitler a-t-il pu décrire en détail la Shoah en 1925 et 15 ans plus tard, la France se jetait dans la gueule du loup? Je ne prétends pas rentrer ici dans la profondeur d’une analyse historique. Je vous partage juste des sentiments personnels, parce que je ne sais pas quoi en faire et je me dis que ça soulagera peut-être certain.e.s d’entre vous, de se dire que vous n’êtes pas seul.e.s à avoir l’esprit confus et le coeur lourd.
En 1925, on savait. Alors bien sûr, Amazon et les réseaux sociaux n’existaient pas. La circulation de l’information était sans commune mesure avec aujourd’hui. Mais la période contemporaine rencontre d’autres défis. Certes l’information circule vite, mais dans une telle avalanche, une telle masse de données, qu’il est parfois difficile de trier le bon grain de l’ivraie.
En 1925, certains savaient. Les curieux et les lucides savaient. Toujours lors de mes études à la fac, j’ai étudié quelques écrits d’hommes religieux engagés dans la lutte contre le nazisme: Pierre Chaillet, Gaston Fessard, Dietrich Bonhoeffer m’ont à la fois soignée et désespérée. C’était un baume de savoir que, devant l’ignominie, ils ont fait honneur au genre humain en résistant coûte que coûte. Mais c’était aussi une souffrance car la question suivante est: pourquoi n’ont-ils pas été davantage suivis, entendus, imités?
Et maintenant je commence à comprendre. La propagande est d’une puissance extraordinaire. C’est un lavage de cerveau en règle que nous subissons. La machine s’emballe, elle écrase tout sur son passage, disloque le corps social, elle est même capable d’entraîner un homme comme l’historien Serge Klarsfeld, c’est terrifiant.
J’ai eu une éducation empreinte de catholicisme. Baptême, communion, mais pas de messe le dimanche sauf peut-être à Noël et encore. A 28 ans, j’ai fait le chemin de Saint Jacques de Compostelle, un moment béni de reconnexion au spirituel. A mon retour, j’ai fréquenté l’église Saint-Gervais (à côté de l’Hôtel de Ville à Paris) surtout pour la beauté de ses offices en chants grégoriens. Cette église est occupée par une communauté religieuse, les fraternités monastiques de Jérusalem. J’ai cessé de mettre les pieds à Saint-Gervais quand j’ai lu un livre de son fondateur qui, en substance, disait ceci: merci Seigneur de nous avoir sauvés alors que tous les autres, ceux qui ne sont pas chrétiens, les pauvres, mourrons en enfer. Je l’ai vécu comme une trahison. Pour moi, tous les chemins spirituels authentiques mènent au même endroit. Je ne peux pas m’identifier à des gens qui croient détenir en propre la vérité.
Je ne m’identifie donc pas en tant que chrétienne, ou alors si mais à égalité sceptique, bouddhiste, animiste… Je dirais que je suis une agnostique post-moderne à tendance mystique! Et pourtant dans la période de confusion actuelle, ce qui remonte en moi, ce sont des références chrétiennes – j’imagine que c’est ça la puissance de l’éducation. Cette phrase de Gaston Fessard « France, prends garde de perdre ton âme », titre du premier Cahier des Témoignages Chrétiens paru en 1941. Et le message du Christ: aimez-vous les uns les autres. Cultivons l’amour dans nos coeurs. Il n’y a que ça qui compte vraiment. Je vous embrasse.
Merci Maryline de ses bons mots qui font du bien et avec lesquels je suis en phase totale., même si bien sur il eut été plus sympathique de ne pas devoir les écrire !
C’est bien de continuer à transmettre, à instruire en chantant, en dansant, en vivant dans de beaux endroits en accord avec sa vie: BRAVO
Sylvaine